The Project Gutenberg EBook of Relation originale du voyage de Jacques Cartier au Canada en 1534, by Jacques Cartier

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Title: Relation originale du voyage de Jacques Cartier au Canada en 1534

Author: Jacques Cartier

Editor: H. Michelant Alfred Ramé

Release Date: December 10, 2007 [EBook #23801]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

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RELATION ORIGINALE DU VOYAGE DE JACQUES CARTIER AU CANADA EN 1534




DOCUMENTS INÉDITS SUR JACQUES CARTIER ET LE CANADA (NOUVELLE SÉRIE) PUBLIÉS PAR H. MICHELANT ET A. RAMÉ

Accompagnés de deux portraits de Cartier et de deux vues de son Manoir

PARIS

LIBRAIRIE TROSS

5, RUE NEUVE-DES-PETITS-CHAMPS, 5, 1867

M. d'Avezac, dont il faut toujours citer l'ingénieuse et profonde érudition lorsqu'il s'agit de recherches sur l'histoire de la géographie, se plaignait naguère, et non sans raison, de l'indifférence que les Français avaient apportée en tout temps à faire valoir leurs découvertes; il regrettait surtout que le récit du premier voyage de Jacques Cartier au Canada ne nous fût parvenu que par des traductions. En effet, le plus ancien qui ait paru en France, de l'aveu de l'éditeur, n'est qu'un travail de seconde main dont on ignore l'origine, car cette version, sur quelques points, s'écarte de celle de Ramusio, de beaucoup antérieure, sans cadrer exactement avec celle que nous a conservée Hakluyt, qui diffère également des deux autres. Du reste, on s'aperçoit aisément qu'elle n'a pu être l'oeuvre ni de Cartier, ni d'aucun de ses compagnons de voyage, surtout si on la rapproche de la relation du second voyage, que l'on croit pouvoir attribuer soit au chef, soit à un des marins de l'expédition. Celle-ci, par le style autant que par l'orthographe, révèle une main inexpérimentée, plus habile à guider un navire sur l'océan et affronter les tempêtes qu'à manier une plume. On arrive donc à cette conclusion, qu'au XVIe siècle il existait trois relations du récit du premier voyage de Cartier, une en italien, celle de Ramusio, une en anglais, publiée par Hakluyt, et une troisième que nous ne connaissons pas, celle que Raphaël du Petit-Val a fait traduire en 1598, pour en donner une édition française. Il est à supposer qu'il n'a agi ainsi que faute d'avoir pu se procurer une rédaction originale, qui seule, en reproduisant exactement les faits, eût permis d'apprécier l'exactitude de l'auteur et de régler la créance que l'on pouvait accorder à ses allégations. L'importance qu'elle eût offerte alors n'a pas diminué aujourd'hui, et nous croyons qu'il y a encore quelque intérêt pour nous à posséder la source primitive des différentes versions étrangères, c'est-à-dire la première relation, qui a dû être rédigée par Cartier lui-même (la supposition selon nous la plus vraisemblable) ou du moins par un de ses compagnons de route. Elle n'a pu évidemment être écrite qu'en français, dans le langage habituel des marins, et spécialement des marins bretons, c'est-à-dire avec des locutions provinciales, des incorrections compensées par un emploi plus exact des termes propres à la profession maritime et à l'art nautique. A ce point de vue, nous pouvons essayer un rapprochement curieux entre la version de Raphaël du Petit-Val et la publication de 1545, reproduite si soigneusement par M. d'Avezac, qui attribue à Cartier la relation du second voyage. Quoique ce dernier texte paraisse déjà amélioré, puisqu'il s'écarte dans maint passage des trois versions manuscrites de la Bibliothèque impériale, qui ne sont pas non plus identiques entre elles, on peut remarquer que la langue en est beaucoup plus incorrecte que la traduction de 1598. Si, au contraire, nous venons à le comparer avec celui que nous publions, on y remarquera de nombreuses analogies d'expressions, de tournures, d'idiotismes, nous dirons mieux, d'incorrections et de fautes qui décèlent une même origine. Il n'est pas nécessaire de les signaler en détail, elles frappent au premier coup d'oeil; et sans qu'il soit besoin d'insister plus longuement, il nous paraît résulter non moins clairement du récit lui-même qu'on peut l'attribuer avec assurance à Cartier, quoiqu'il ait évité avec soin de se désigner expressément. Cependant, malgré ses précautions pour cacher sa personnalité sous des termes généraux, tels que: nous partîmes..., nous arrivâmes..., il se trahit quand il lui échappe de dire: Je nomme icelle isle saincte Katherine... (p. 7.) Or ce droit appartenait exclusivement au chef de l'expédition, et le chef c'était Jacques Cartier. Parfois il se laisse entraîner à émettre son opinion personnelle par ces mots: j'estime... p. 11; j'ai seu... (p. 12); je presume mielx que aultrement à ce que j'ai veu... (p. 20); et la façon modeste avec laquelle il nous dit: Icelluy fut nommé le hable Cartier... (p. 7) ne fait que confirmer notre hypothèse, car toute autre personne de l'équipage n'eût pas manqué d'observer que c'était en l'honneur du capitaine, ce que celui-ci voulait au contraire éviter, en relatant simplement le fait. Au surplus, voici le point capital: la relation que nous publions est bien la version primitive, écrite par un homme peu lettré, parlant le français en usage dans la partie de la Bretagne qui avoisine Saint-Malo, en un mot l'original qui a dû servir aux diverses traductions publiées antérieurement. Quant aux variantes que présentent ces divers textes, elles sont légères et s'expliquent facilement par des erreurs de copistes, des fautes de lecture ou des bévues de traducteurs.

Cette pièce (no 5, portefeuille LVII de Fontette) porte pour suscription: Voyage de Jacques Cartier, 1544. Malgré ces chiffres, on ne saurait regarder cette date comme rigoureusement exacte; mais pour quiconque a l'habitude des manuscrits de cette époque, il est facile de lui en donner une approximative qui ne s'en écarte guère. La simple vue fait reconnaître une écriture de la première moitié du XVIe siècle, qui, par son aspect général, se rapproche singulièrement de divers documents de la même collection (voy. Port. XXVII, p. 70), qui remontent aux années 1533-35. La relation occupe dix-sept feuillets dont les douze premiers, écrits avec netteté, semblent annoncer une copie soignée; mais ensuite l'écriture se lâche, les abréviations se multiplient, se compliquent, et la lecture, facile au début, devient sur la fin d'une difficulté extrême. Nous avons reproduit ce texte aussi scrupuleusement que possible, et nous ne nous sommes permis que les modifications que réclamait impérieusement l'impression.

Nous avons ajouté en appendice une pièce qui nous a paru assez curieuse en ce qu'elle établit et résume exactement les découvertes faites par les Français et les Anglais dans l'Amérique du Nord. Elle est postérieure à 1630, puisqu'elle relate des faits arrivés à cette époque, dont elle se rapproche beaucoup par l'écriture; quoiqu'elle ne soit pas signée, elle offre l'aspect d'un document officiel et prouve que déjà alors on s'était préoccupé de déterminer les droits respectifs des deux nations.

L'intérêt qui s'attache au pilote malouin a engagé l'éditeur à enrichir sa publication de deux portraits de Cartier, dont l'un se trouve à l'hôtel de ville de Saint-Malo, et l'autre au département des estampes de la Bibliothèque impériale. De son côté, M. Ramé, infatigable dans ses recherches, a recueilli une nouvelle série de documents précieux sur l'histoire du Canada, qui nous apprennent quels rapports ont existé jusqu'en 1619 entre la colonie et la province où était né celui qui avait découvert cet immense territoire. M. Ramé a fait plus, il a su attacher un intérêt artistique à sa nouvelle collection, par la description de l'ancien manoir de Jacques Cartier, dont le souvenir ne se conservera plus qu'au moyen des croquis que nous devons au crayon de notre collaborateur.





VOIAGE

DE

JACQUES CARTIER


pres que Missire Charles de Mouy, chevallier, seigneur de la Milleraye et Visadmiral de France, eut prins les sermens et faict jurez les Cappitaine, maistres et compaignons desditz Nauires de bien et loyaulment soy porter au seruice du Roy soubz la charge dudit Cartier, Partimes du havre et port de Sainct Malo auecques lesdits deux nauires du port d'enuiron soixante tonneaulx chaincun, esquippez les deux de soixante ung homme, le vigntiesme jour d'Apuril oudit an, Mil cinq cens trante quatre; et auecques bon temps nauigans et vinmes à Terre Neuffue le dixiesme jour de May, et aterrames à Cap de Bonne viste estans en quarente huyt degrez et demy de latitude et en...... degrez de longitude. Et pour le grant nombre de glasses qui estoint le long d'icelle terre, nous conuint entrer en vng haure nomme Saincte Katherine estant au Su Surouaist d'iceluy Cap, enuiron cinq lieues où fumes l'espace dix jours, attendant nostre temps et acoustrant noz barques. Et le xxie jour dudit moys de May, partismes dudit hable auecques vng vent de Ouaist, et fumes portez au Nort, vng de Nordeist de Cap de Bonne viste, jucques à l'isle des Ouaiseaulx, laquelle isle estoit toute avironnée et circuitte d'vn bancq de glasses rompues et departies par pièces. Nonobstant ledit banc, noz deux barques furent à ladite isle pour auoir des ouaiseaulx, desqueulx y a si grant numbre, que c'est vne chosse increable, qui ne la voyt; car nonobstant que ladite isle contienne enuiron vne lieue de circumferance, en soit si très plaine qu'i semble que on les ayt arimez. Il y en a cent plus à l'enuiron d'icelle et en l'oir que dedans l'isle, dont partie d'iceulx ouaiseaulx sont grans comme ouays noirs et blancs, et ont le bec comme vng corbin, et sont tousiours en la mer, sans jamais pouoir voller en l'air pour ce qu'ilz ont petites aesles, comme la moitié d'vne; de quoy ilz vollent aussi fort dedans la mer, comme les aultres ouaiseaulx font en l'air; et sont iceulx ouaiseaux si gras que c'est vne chosse merueilleuse. Nous noumons iceulx ouaiseaulz Apponatz desqueulx noz deux barques en chargèrent, en moins de demye heure, comme de pierres, dont chaincun de noz nauires en sallèrent quatre ou cinq pippes, sans ce que nous en peumes mangier de froys.

Dauantaige, y a vne aultre sorte d'ouaiseaulx qui vont en l'air et en la mer, qui sont plus petiz, que l'on nomme Godez, qui se ariment et meptent à ladite isle soubz les plus grans. Il y en avoit d'aultre plus grans, qui sont blans, qui se mettent à part des aultres en vne partie de l'isle, qui sont fort mauuaiz à assallir; car ilz mordent comme chiens et sont nommez Margaulx. Et néantmoins que ladite isle soyt à quatorze lieues de terre, les ours y passent à no de la grant terre pour mangier desdits ouaiseaulx, desquelx noz gens en trouuèrent vng, grant comme vne vache, aussi blanc comme vng signe, qui saulta en la mer dauent eulx; et le lendemain qui est le jour de la Penthecouste, en faisant nostre routte vers terre, trouuames ledit ours enuiron le my chemin, qui alloit à terre aussi fort que nous faisions à la voille; et nous, l'ayant aperceu, luy baillames la chasse o noz barques et le prinmes à force; la chair duquel estoit aussi bonne à mangier comme d'vne génise de deux ans.

Le mercredi, XXVIIe dudit moys, nous arivames à l'entrée de la baye des Chasteaulx, et pour la contrarieté du vent et du grant nombre de glaces que trouuasmes, nous conuint entrer dedans vng hable, estant aux enuirons d'icelle entrée, nommé le Rapont où nous fumes sans en pouair sortir jucques au neuffiesme jour de Juign, que en partismes pour passer o l'aide de Dieu oultre: ledit Rapont est en cinquante et vng degrez et demy de latitude.

Description de la terre dempuis Cap Rouge jucques au hable de Brest, estant en la baye.

La terre, dempuis Cap Rouge jucques au Degrat, est la pointe de rentrée de la baye, gist de cap en cap Nort Nordest et Su Surouaist; Et est toute ceste partie de terre à isles adiaczantes et près les vnes des aultres, qu'il n'y a que petites ripvières par où bateaux peuent aller et passer parmy; Et à celle cause y a plusseurs bons hables dont ledit hable du Rapont et celuy du Degrat sont en l'vne d'icelles isles, icelle qui est la plus haulte de toutes, ou dessurs de laquelle l'on voyt clairement les deux belles isles qui sont près Cap Rouge, où l'on compte vignt cinq lieues; audit hable de Rapont y'a deux entrées, l'vne vers l'Est et l'aultre vers le Su de l'Isle; mais il se fault donner garde de la bande et pointe de l'Eist, car se sont bastures et pays somme; Et fault renger l'isle de l'Ouaist à la longueur de demy cable ou plus près qu'il veult, et puis s'en aller surs le Su vers le Rapont; et se fault donner garde de trois basses qui sont soubz l'eau on chenal devers l'isle de l'Est. Il y a de fontz par le chenal troys ou quatre brasses et beau fons; l'autre entrée gist Est Nordest et Su vers l'Ouaist à saultez à terre.

Partant de lappointe du Degrat et entrant en ladite baye, faisant l'Ouaist, vng quart du Norouaist, l'on double deux isles qui demeurent de babort, dont l'vne est à trois lieues de ladite pointe et l'autre enuiron sept lieues de la premiere, qui est platie et basse terre, apparoissante estre de la grant terre. Je nomme icelle isle Saincte Katherine, au Nordest de laquelle y a hesiers et mauuais fons enuiron vng quart de lieue, par quoy luy fault donner Run. Ladite isle est le hable des Chasteaulx gissent Nort Nordest et Su Surouaist, Et y a entreulx quinze lieues; et dudit hable des Chasteaulx au hable des Buttes, qui est la terre du Nort de ladite baye, gisante Est Nordest et Ouaist Surouaist, y a entr'elx doze lieues et demye; Et à deux lieux dudit hable des Buttes est le hable de la Balaine; le travers duquel hable, sçavoir à tierce partie de la trauersée de ladite baye, y a trante huyt brasses et font de taygnay. Dudit hable de la Ballaine jucques à Blanc Sablon y a... lieues audit Ouaist Surouaist, et se fault donner garde d'vne basse qui est sur l'eau, comme vng bateau, au Suest dudit Blanc Sablon. Trois lieues hors... Blanc Sablon est vne couche où il n'y a point d'abry de Su ny du Suest; Et y a au Su Surouaist d'icelle couche deux isles, dont l'vne a nom l'isle de Bouays et l'autre l'isle des Ouaiseaulx, où il y a grant nombre de Godez et de Richars qui ont le bec et les piedz rouges et hairent dedans des pertuis soubz terre, comme connins. Ayant doublé un cap de terre qui est à vne lieue de Blanc Sablon, y a vng hable et passaige, nommé les Islettes, qui est milleurs que Blanc Sablon et là se faict grant pescherie. Ondit lieu des Islettes, jucques à vng hable nommé Brest audit art de vent y a dix lieues. Celuy hable est en cinquante et vng degrez, quarente, cinquante cinq mynuttes de latitude et en... de longitude. Dempuis les Islettes jucques audit lieu y a isles et est ledit Brestz en isles; Et dauantaige, rangeant la coste à plus de troys lieues hors, sont toutes isles à plus de doze lieues loingn dudit Brest; quelles isles sont basses et voyt on les haultes terres par dessurs.

Le dixiesme jour dudit moys de Juign entrames dedans ledit hable de Brest o nos navires, pour auoir des eaux et du boays. Et nous parez et passez outre ladite baye, et le jour saint Barnabé, après la messe ouye, nous allames o noz barques oultre ledit hable, vers l'Ouaist, descouurir et veoir quelz hables il y avoit. Nous passames parmy les isles qui sont en si grant nombre qu'il n'est possible les sçavoir nombrez, qui contiennent enuiron dix lieues oultre ledit hable. Nous couchames en l'vne d'icelles isles pour la nuyt passez et y trouuames en grant quantité d'oeufs de cannes et aultres ouaiseaulx, qui hairent est isles: lesdites isles furent nommées Toutes Isles.

Le lendemain, dozeiesme, nous persumes oultre lesdites isles; et à la fin du fort d'icelles nous trouuames vng bon hable qui fut nommé Saint Anthoine; Et oultre, enuiron vne lieue ou deux, nous trouuames vne petite ripuiere fort parfonde, qui a la terre au Surrouaist, Et est entre deux haultes terres. C'est vng bon hable, et fut planté vne croix audit hable et nommé Sainct Seruan; au Surouaist dudit hable et ripuiere, enuiron vne lieue, y a vng islot ront comme vng four, auironné de plusseurs aultres plus petiz islotz, qui donne congnoissance desdits hables. Plus oultre, à dix lieues, y a vne aultre bonne ripuiere plus grande, où il y a pluseurs saulmons; Nous la noumasmes la ripuiere Sainct Jacques. Estans à icelle, nous aperseumes vng grant nauire qui estoit de la Rochelle, qui auoit passé la nuyt [cherchant] le hable de Brest, où il pensoit aller faire sa pescherie; et ne sçauoint où ilz estoint. Nous allames à bort auecques noz barques, Et le mysmes dedans vng aultre hable à vne lieue plus à Ouaist que ladite ripuiere Sainct Jacques, Lequel je pencze l'vn des bons hables du monde; Et iceluy fut nommé le hable Jacques Cartier. Si la terre estoit aussi bonne qu'il y a bons hables, se seroit vng bien; mais elle ne se doibt noumer Terre Neuffue, mais pierres et rochiers effrables et mal rabottez, car en toute ladite coste du Nort, je n'y vy vne charetée de terre, et si descendy en plusseurs lieux; fors à Blanc Sablon, il n'y a que de la mousse et de petiz bouays avortez; fin, j'estime mieulx que aultrement que c'est la terre que Dieu donna à Cayn. Il y a des gens à ladite terre qui sont assez de belle corpulance, mais ilz sont gens effarables et sauuaiges. Ilz ont leurs cheueulx liez sur leurs testes en faczon d'vne pougnye de fain teurcze et vng clou passé par my ou aultre chosse, Et y lient aulcunes plumes des ouaiseaulx. Ilz se voistent de peaulx de bestes, tant hommes que femmes; mais les femmes sont plus closes et serrées en leurs dites peaux et sçaintes par le corps. Ilz se paingnent de certaines couleurs tannées. Ilz ont des barques en quoy ils vont par la mer, qui sont faictes d'escorche de bouays de boul, o quoy ilz peschent force loups marins, Dempuis les avoir veuz, j'ay seu que là n'est pas leur demeurance et qu'ilz viennent des terres plus chauldes, pour prendre desditz loups marins et aultres choses pour leur vie.

Le XIIIe jour nous retournasmes o nos dites barques à bort pour faire voille, pour ce que le temps estoit bon; Et le dymenche, XIIIIe, fysmes chanter la messe et le lundy, XVe, appareillames dudit Brest et fysmes la routte sur le Su, pour auoir la congnoissance de la terre que nous y voyons aparaisante à deux isles. Mais quant nous fumes au mytan de la baye ou enuiron, nous congneumes que s'estoit terre ferme, dont y auoit gros cap double, l'un par dessus l'autre; Et pour ce le noumames cap Double. Au parmy de la baye sobzdames à cent brasses et fontz curé. Il y a de traverser de Brest audit cap Double, enuiron vignt lieues; Et à cinq ou six lieues souldames à quarente brasses. Nous trouuames ladite terre estre gisante au Nordest et Surrouaist, vng quart du Nort et du Su.

Le landemain, XVIe dudit moys, nous sillames le long de la coste au Surouaist, vng quart du Su, enuiron trante cinq lieues, dempuis cap Double où trouuames des terres à montaignes moult haultes et effarables, entre lesquelles y a vne apparoissante estre comme une granche, et pour ce noumames ce lieu les monts de Granches. Icelles haultes terres et montaignes sont hachées et creuses, Et y a entre elles et la mer des basses terres. Ladite journée auparavant n'auions eu congnoissance d'aultre terre pour les bruines et obscurité du temps qu'il faisoit, et au soir nous aparut une faulte de terre, comme vne entrée de ripuiere, entre lesdits mons des Granches et vng cap qui nous demouroit au Su Surouaist, enuiron trois lieues de nous. Celuy cap est par le hault de luy tout rongné et par le bas vers la mer, est à poincte; Et pour ce le noumames cap Pointu; au Nort de luy, à vne lieue, y a vne isle platte.

Et pour ce que voullymes auoir congnoissance d'icelle entrée pour veoirs s'il y auoit aulcune bonne posée et haure, mysmes la voille bas pour la nuyt passez.

Le lendemain, XVIIe dudit moys, nous eumes tourmente de vent du Nordeist et mysmes an pepefil à courrir et à la cappe, et fysmes de chemin, vallant le Surouaist, trante sept lieues jucques au jeudy matin que nous estions le travers d'une baye plaine de isles rondes comme coulonbiers. Et pour ce leur donnames à nom les Coulonbiers et la baye Sainct Jullian, de laquelle jucques à vng cap qui demeure au Su, vn quart du Surouaist, qui fut nommé Cap Royal, y a sept lieues; Et à Ouaist Surouaist dudit cap y a vng aultre cap qui est bien rongné par le bas de luy et rond par le hault, au Nort duquel, enuiron demye lieue, y a une isle basse. Celuy cap fut nommé Cap Delatte. Entre cestz deux caps y a terres basses, par dessurs lesquelles y en a de moult haultes, en semblance de y auoir ripuieres. A deux lieux de cap Royal y a vignt brasses de parfont et la plus grande pescherie de grosses molues qui soit possible; desquelles mollues en prynmes, en attendant notre conpaignon, plus d'un cent, en moins d'un heure.

Le landemain, XVIIIe jour dudit moys, le vent nous fut contraire et grant vent et retournames vers cap Royal cuider trouver hable. Auecques nos barques fumes descouurir entre ledit cap Royal et cap Delatte, et trouuames que parsurs les basses terres y a vne grande baye fort parfonde et isles dedans, laquelle est close deuers le Su desdites basses terres, qui font vng costé de l'antrée et cap Royal l'autre. Lesdites basses terres s'auancent en la mer plus de demye lieue de pays plat et mauuais fons, et au parmy de l'entrée y a un isle. Ladite baye est en quarente huyt degrez et demy de latitude et en... degrez de longitude. Celuy jour ne trouuames hable pour poser et tynmes pour la nuyt à la mer, le cap à Ouaist.

Dempuis ledit jour jucques au XXIIIIe jour dudit moys, qui est le jour saint Jehan, eumes tormente et vent contraire et serraison, tellement que ne peumes auoir congnoissance de terre jucques audit jour saint Jehan, que nous eumes congnoissance d'vn cap de terre qui nous demouroit au Suest, qui, à nostre esme, nous demouroit au Surouaist de Cap Royal, enuiron trante cinq lieues; et celuy jour fist bruimes et mauuais temps et ne peumes approcher de ladite terre; et pource que s'estoit le jour Monsgr saint Jehan, nommames le cap sainct Jehan.

Le landemain, XXVe jour, fist mauuais temps, obscur et venteux et fymes courrir à Ouaist Nourouaist partie du jour, et le soir nous mysmes en trauers jucques au segond quart que apparoillames; et lors, par nostre esme, estions au Norouaist vng quart d'Ouaist dudit cap sainct Jehan, dix sept lieues et demye. Et lorsque appareillames, le vent estoit Norouaist, et fymes courrir au Surouaist quinze lieues, et vynmes trouver trois isles, dont y en auoit deux petittes et acorez comme murailles, tellement que possible n'est de monter dessurs, entre lesquelles y a vng petit forillon; Icelles isles aussi plaines de ouaiseaux que vng pré de herbe, qui heirent au dedans d'icelles isles, dont la plus grande estoit plaine de Margaulx qui sont blancs et plus grans que ouays; Et en l'autre y en auoit pareillement en vne quantité d'elle, et en l'autre plaine de Godez, et au bas y auoit paroillement desdits Godez et des grans Apponatz qui sont paroilz de ceulx de l'isle dont est cy dauant faict mencion. Nous descendisme au bas de la plus petitte et tuames de Godez et de Apponatz plus de mille; et en prinmes en noz barques ce que nous en voullumes. L'on y eust chargé en vne heure trante icelles barques. Nous nommames icelles isles, isles de Margaulx. A cinq lieues desdites isles estoit l'autre isle, à Ouaist d'elles, qui a enuiron deux lieues de long et autant de leise. Nous y fumes posez pour la nuyt pour auoir des eaux et du bouays à feu. Icelle isle est rangée de sablons et beau fons et possaige à l'antour d'elle, à seix et à sept brassez. Ceste dite isle est la milleure terre que nous ayons veu, car ung arpant d'icelle terre vault mielx que toute la Terre Neufue. Nous la trouuames plaine de beaulx arbres, prairies, champs de blé sauuaige, et de poys en fleurs, aussi espes et aussi beaulx que je vis oncques en Bretaigne, qu'ilx sembloient y avoir esté semer par laboureux. Il y a force grouaiseliers, frassiers et rosses de Provins, persil et aultres bonnes erbes de grant odeur. Il lui y a entour icelle ille plusieurs grandes bestez, comme grans beuffz, quelles ont deux dans en la gueulle, comme dans d'olifant, qui vont en la mer; De quelles y en avoict une qui dormoict à terre à la rive de l'eau. Et allames o nos barcques pour la cuydez prandre; mais incontinant que fumes auprès d'elle, elle se gecta en la mer. Nous y vimes paroillement des ours et des renarz. Celle ille fut nommée l'ille de Bryon. Aux enuiron d'icelles illes y a de grandes marées, qui portent comme Suest et Norouaist. Je présume mielx que aultrement, à ce que j'ay veu, qu'il luy aict aulcun passaige entre la Terre Neuffue et la terre des Bretons. Sy ainsi estoit, se seroit une grande abreuiacion, tant pour le temps que pour le chemyn, se se treuue parfection en ce voyage. A quatre lieues de ladite ille, il luy a vng beau cap que nommames cap du Daulphin, pour ce que c'est le conmancement des bonnes terres.

Le XXVIIe dudit moys de Juin nous rangeames ladite terre, qui gist Est Nordest et Ouaist Surouaist, et semble de loing que se soinct butterolles de sables, pour ce que se sont terres basses et araineusses. Nous ne pumez allez ny dessandre à icelles pour ce que le vent en venoit, et les rangeames celluy jour, enuiron quinze lieues.

Le landemain rangeames icelle terre enuiron X. lieues, jusques à vng cap de terre rouge, qui est vng cap rongné, au dedans duquel y a vne ainze qui s'abat au Nort et poys soume; il luy a vng sillon et perroy qui est entre la mer et vng estanc. D'icelluy cap de terre et estanc à vng aultre cap de terre y a enuiron quatre lieues; ce fant la terre en demy cercle et tout rangé de sablons faictz comme vng fossé, par sur lequel et oultre yceluy, y a comme maniere de marestz et estancq, tant comme l'on peult voires. Et auparavant ariuez au premier cap y a deux petittez illes assez près de terre; Et à cinq lieues dudit second cap, y a vne ille au Surouaist qui est moult haulte et pointue, qui par nous fut nommée Allezay. Le premier cap fut nommé le cap St. Pierre, pour ce que le jour dudit sainct y ariuames.

Dempuix ladite ille de Bryon jusques audit lieu y a beau fons de sablon et certaine sonde, qui asoumist, comme l'on aproche de terre. Egallement, à cinq lieues de terre y a vignt cinq brassez et à une lieue doze brassez, bort a terre seix brassez et partout beau fons; et pour ce que vouillons abuoir plus emple cognoissance dudit paroige, mismes les voilles bas et en trauers.

Et le lendemain, peneultime jour dudit moys, le vent vint au Su, vng cart de Surouaist, et fismes couriz jusques au mardi derroin jour dudit moys, sollail à l'Est, sans auoir congnoissance d'aulcune terre, fors que le soir, sollail reconsant, nous vysmes terre aparoissante comme deux illes, que nous demeuroict à Ouaist Surouaist, enuiron IX. ou X. lieues. Et celuy jour fismes à Ouaist jusques au landemain, sollail à l'Est, enuiron quarante lieues; Et faissant chemyn, eusmes la congnoissance de ladite terre que nous auoit aparut comme deux illes, que c'estoit terre ferme que gissoit Su Suest et Nort Norouaist jusques à un cap de terre moult beau, nommé cap d'Orléans.

Toute ycelle terre est basse, vnye, la plus belle qui soict possible de voir et plaine de beaulx arbres et prairies; mais en icelle ne peumes trouuez hable, pour ce que c'est basse terre et poys soume et toute rangée de sables. Nous y fumes en pluseurs lieulx o nos barcques, et entre les aultres, dedans une belle ripuiere de peu de fons, où vysmes des barcques de sauuaiges, qui trauersoinct ladite ripuiere qui, pour ce, fut nommée ripuiere de Barcques; Et n'eumes aultre congnoissance d'eulx, pour ce que le vent vint de la mer qui chargeoict alla coste et nous conuint retires o nosdites barcques à nos nauires. Et fysmes couriz au Nordest jusques au landemain, sollail à l'Est, premier jour de Juillet, alla quelle heure vingt brumes et serraison, et mysmes les voylles bas jusques enuyron dix heures qu'il esclardit; et eumes congnoissance dudit cap d'Orléans, et d'un aultre qui en demeuroict enuiron sept lieues au Nort, vng cart du Nordest, qui fut nommé le cap dez Sauuaiges, au Nordest duquel, enuiron demye lieue, y a ung hessier et bancq de pierres fort dangereux. A celuy cap nous vint vng homme qui couroict apres nos barcques, le long de la coste, qui nous fessoict pluseurs signes que nous retournissions vers ledit cap; et nous, voyans telz signes, commanczames à nages vers luy, et luy voyant que retournyons, commencza à fuir et à s'en couriz dauant nous. Nous dessandimes à terre dauant luy et luy mysmes vng cousteau et vne saincture de laine sur vne verge, et puix nous en allames à nos nauires. Celuy jour rangeames ladite terre, neuff ou dix lieues, pour cuydez trouuez hable, ce que ne peumes; car comme j'ay cy dauant dit, c'est terre basse et soume. Nous y dessandimes celuy jour en quatre lielx, pour voir les arbres, quelx sont merueilleussement beaulx et de grande odeur, et trouuames que c'estoinct cedres, iffz pins, ormes blans, frainnes, sauldres, et aultres pluseurs à nous incongneuz, touz arbres sans fruictz. Les terres où il n'y a bouays, sont fort belles et toutes plaines de poys, grouaiseliers blans et rouges, frasses, franboysses et blé sauuaige, comme seille; quel il semble y abuoir esté semé et labouré. C'est terre de la meilleure temperance qui soict possible de voir et de grande chaleur, et y a pluseurs teurtres et ramyers et aultres ouaiseaulx; il n'y a faulte que de hables.

Le landemain, second jour de Juillet, nous apersumes la terre au Nort de nous qui tenoict o celle de dauant toute rangée, et congneumes que c'estoit vne baye qui a enuiron vignt lieues de parfont et autant de trauersée. Nous la noumasme la baye Sainct Limaire. Nous fumes au cap de deuers le Nort o nos barcques, et trouuames le pays sy soume que a plus et vne lieue de terre, ne y abuoict que vne brasse d'eau. Au Nordest dudit cap, enuiron sept ou ouict lieues, nous demeuroict vng aultre cap de terre, et entre les deux y a vne baye, en maniere de triangle, qui estoict moult parfonde, dont le plus loign que pussion voirs d'icelle nous demeuroict au Nordest, et estoict toute rangée de sablons, pays soume; à dix lieues loign de terre y a vignt brasses de parfont; dempuix ledit derrenier cap jusques audit bout et cap de terre y a quinze lieues, et nous estans le trauers dudit cap, apersumes aultres terres et cap qui nous demeuroict au Nort vng cart du Nordest, tout alla veue. La nuyt fist mauuais temps et grant vent, et nous conuint meptre alla cappe jucques au matin, tier jour de Juillet, que le vent vint à Ouaist et fysmes porter sur le Nort pour auoir la congnoissance de ladite terre qui estoit vne haulte terre, qui nous demeuroict au Nort Nordest par sur les bassez terres, entre lesquelles basses terres et les haultez y abuoict vne grande baye et ouuerture, où il luy abuoict cinquante et cinq brassez de parfont par aulcuns lieulx, et large de enuyron quinze lieues; et pour ladite parfondeur et laisse et changement de terres, eumes espoir de y trouues le passage, comme il luy a au passage des Chasteaulx. Icelle baye gist Est Nordest et Ouaist Surouaist, Et est la terre de deuers le Su de ladite baye aussi belle que boine terre, labourable et plaine de aussi belles champaignes et prairies que nous ayons veu, et vnye comme vng estancq; et celle devers le Nort est une terre haulte, à montaignes, toute plaine de arbres de haulte fustaille de pluseurs sortez, et entre aultres y a pluseurs cèdres et pruches aussi beaulx qu'il soict possible de voir, pour faire mastz suffisans de mastez nauires de troys cens tonneaulx et plus; en la quelle ne vysmes vng seul lieu vyde de bouays, fors en deux lieulx de basses terres, où il luy abuoit des prairies et des estancq moult beaulx. Le parmy de ladite baye est en quarante sept degrés et demy de latitude, et lxxiij degrés de longitude.

Le cap de ladite terre du Su fut nommé cap d'Espérance, pour l'espoir que abuions de y trouues passaige; et le quart jour dudit moys, jour Sainct Martin, rangeames ladite terre du Nort pour trouues hable, et entraimes en une petite baye et couche de terre toute ouuerte deuers le Su, où il n'y a aulcun abry dudit vant, et la noumames la couche Sainct Martin; et fusmes dedans ladite couche dempuix le quart jour jusques au dozieme jour dudit Juillet. Et ce temps que nous fusmes en ladite couche, fusmes le lundi seixième, après auoir ouy la messe, avecquez vne de nos barcques pour descouuriz vng cap et pointe de terre qui nous demouroict à sept ou ouict lieues à l'Ouaist de nous, pour voir comme ladite terre se rabatoict; Et nous estans a demye lieue de ladite pointe, apersumes deux bandes de barcques de sauuaiges, qui trauersoinct de leur terre à l'austre où estoint, plus de quarante ou cinquante barcques, et dont l'une desdites bandes de barcques ariuoict alla dite pointe, dont il sautèrent et dessandirent à terre vng grand nombre de gens, quelx fessoinct vng grant bruict et nous fessoinct plusieurs signes que nous allissions à terre, nous montrant des peaulx sur des bastons. Et pour ce que n'auions que vne seulle barcque, n'y voullimes allez et nageames vers l'autre bande qui estoict alla mer; Et eulx voyans que nous fuyons, esquippèrent deux de leurs plus grandez barcques pour venir après nous, auecques lesquelles se bandèrent cinq aultres de celles qui venoint de la mer, et vindrent jusques auprès de nostre dite barcque, dansant et faisant plusieurs signes de voulloir nostre amytié, nous disant en leur langaige: Napou tou daman asurtar, et aultres parolles que n'entendions. Pour ce que n'auyons, comme dit est, que l'une de de nos barcques, ne nous voullysme fiez en leurs signes, Et leurs fysmes signes que eulx se retirassent, ce que ne voullirent; mes nagèrent de si grande force, qu'ilz avironnèrent notre dite barcque auecques leurs sept barcques; Et pour ce que, pour signe que nous leurs fissions, ne se voullirent retirez, nous leurs tirames deux passeuollans par sur eulx, Et lors ce mydrent à retournez vers ladite pointe, Et fidrent vng bruict merueilleusement grant, après lequel commancèrent à retournez vers nous comme dauant; et eulx estans jouxte nostre dite barcque, leur lachames deux lanses à feu, que passèrent parmy eulx, qui les estonna fort, tellement qu'ilz se mydrent alla fuyte à moult grant haste et ne nous suyuirent plus.

Le landemain partie des dits sauuaiges vindrent auecques neuff barcques alla pointe et entree de la couche où estions possés o nos nauires; Et nous estans aduertiz de leur venue, allames o nos deux barcques alla dite pointe et entrée, où ils estoint; et incontinant qu'ilz nous aperczeurent, se mysdrent à fuyr, nous faisant signes qu'ilz estoint venuz pour trafiquer auecques nous, et nous montrèrent des peaulx de peu de valleur, de quoy ils s'acoulstrent. Nous leur fysmes paroillement signe que nous ne leur voullyons nul mal, Et dessandismes deux hommes à terre pour allez à eulx leurs portez des coulteaux et aulstres ferremens et vng chappeau rouge pour donnez alleur cappitaine. Et eulx, voyant ce, dessandirent partie d'eulx à terre auecques desdites peaulx, Et traficquèrent ensemble et demenèrent vne grande et merueilleusse joye d'auoir et recouurer desdits ferrements et aulstres chosses, dansans et faissant plusieurs serymonyes, en gectant de la mer sur leur testes auecques leurs mains, et nous baillèrent tout ce qu'ilz avoint, tellement qu'ilz s'en retournèrent touz nulz, sans aulcune chose auoir sur eulx, et nous fidrent signe que le landemain retourneroint auecques d'aultres peaulx.

Le jeudi, VIIIe dudit moys, pour ce que le vant n'estoict bon pour sortir o nos nauires, esquippames nosdites barcques pour allez descouuriz ladite baye, et courumes celuy jour dedans enuiron XXV. lieues; Et le landemain, au matin, eumes bon temps et fysmes porter jusques enuiron dix heures du matin, à laquelle heure eusmes congnoissance du font de ladite baye, dont fusmes dollans et masriz; au font de laquelle baye y abuoict par dessur les bassez terres des terres à montaignes moult haultes; et voyant qu'il n'y abuoict passaige, commanczames à nous en retournez. Et faisant nostre chemyn le long de la coste, vismes lesdits sauuaiges sur l'orée d'un estanc et basses terres, qu'ilx fessoint plusieurs feuz et fumées. Nous allames audit lieu et trouuames qu'il luy abuoict une entrée de mer qui entroict oudit estanc, et mysmes nosdites barcques d'un costé de ladite entrée. Lesdits sauuaiges passèrent o vne de leurs barcques et nous aportèrent des pièces de lou marin tout cuict, qu'ilz mysrent sur des pièces de bouays, et puis se retirèrent, nous faissant signe qu'ilz les nous donnoint. Nous enuoyasmes deux hommes à terre avecques des hachotz et cousteaulx, patenostres et aultre marchandie, de quoy ilz demenèrent grande joye; Et incontinant passèrent alla foulle, o leurs barcques, du costé où estions, auecques peaulx et ce qu'ilz abuoint pour abuoir de nostre marchandie; et estoint en numbre, tant hommes, femmes que enffens, plus de troys cens, dont partie de leurs femmes que ne passèrent, danczoint et chantoint, estantes en la mer jusques aux jenouz. Les aulstres femmes qui estoint passées de l'aultre costé où estions, vindrent franchement à nous et nous frotoint les bratz auecques leurs mains, et puix leuoint les mains joingtes au ciel, en fessant plusieurs signes de jouaye; et tellement se assurèrent auecques nous que enfin marchandames, main à main auecques eulx, de tout ce qu'ilz abuoint, qui est chose de peu de valleur. Nous congneumes que se sont gens qui seront fassilles à conuertir, que vont de lieu en aulstre, viuant et prenant du poysson au temps de pescherie pour viure. Leur terre est en challeur plus temperée que la terre d'Espaigne, et la plus belle qui soict possible de voir, et aussi eunye que vng estanc. Et n'y a cy petit lieu vide de bouays et fust sur sable, qui ne soit plain de blé sauuaige, qui a l'espy come seilgle et le grain conme auoyne, et poys aussi espez conme si on les y abuoict semez et labourez, grouaiseliers blans et rouges, frassez, franbouaysses et roses rouges et aultres herbez de bonne et grande odeur; paroillement y a force belles prairies et bonnes herbes et estancq où il luy a force saulmons. Je estime mielx que aultrement que les gens seroint facilles à conuertir à nostre saincte foy. Ilz appellent ung hachot en leur langue Cochy et ung cousteau Bacan. Nous nonmames ladite baye, la baye de Chaleur.

Nous estans certains qu'i n'y auoit passaige par ladite baye, fysmes voille et aparoillames de ladite conche Sainct Martin, le dimanche, douziesme jour de Juillet, pour allez charcher et decouvriz oultre ladite baye; et fysmes couriz à l'Est le long de la coste, qui ainsi gist enuiron dixouict lieues jusques au cap de Pratto. Et là trouuames vne merueilleuse marée, petit fontz et la mer fort malle, Et nous conuint serrez à terre entre ledit cap et une ille qui est à l'Est d'iceluy, enuiron vne lieue; et là possames les ancrez pour la nuyt. Et le landemain, au matin, fismes voille pour debuoir rangez ladite coste qui gist Nort Nordest; mais ils souruint tant de vant controire, qu'i nous conuint relacher de là où nous estions partiz et y fusmes ledit jour et la nuyt jusques au landemain que fismes voille, et vysmes le treuers d'une ripuiere qui est a cinq ou seix lieues dudit cap au Nort. Et nous estans le trauers d'icelle ripuiere, nous vint le vant controire et force bruymes et nonveue, et nous conuint entrer dedans icelle riuyere, le mardi, XIIIIe jour dudit moys, et posames à l'entree jusques au XVIe, esperans auoyr bon tempz de sortye. Et ledit jour XVIe, qui est Jeudi, le ven renfforça tellement que l'un de nos nauires perdyt un ancre, et nous conuynt entrer plus auant, sept ou huit lieues amont icelle riuiere, en vng bon hable et seur que nous auions esté voyr auec nos barques. Et pour le mauueys temps accauze et nonveue qu'il fist, fusmes en icelluy hable et ryviere jusques au XXVe jour dudit mois, sanz en pouuoyr sortyr; durant le quel temps nous vint grant nombre de sauuages qui estoient venus en ladite riuiere pour pescher des masquereaulx, desquelz il y a grant habondance; et estoient tant hommes, femmes que enffans plus de deux cens personnes qui auoyent envyron quarente barques, lesquelz après auoyr vng peu (esté) à terre auecques eulx, venoyent franchement auec leurs barques aborder prez de noz nauyres. Nous leur donnasmes des coulteaulx, pastenostres de voyrre, peignes et aultres besongnes de peu de valleur; de quoy faisoient plusieurs signes de joyes, leuant les mains au ciel en chantant et dansant dedans leurs barques. Celle gent se peult nommer sauuaiges, car c'est la plus pouure gent qu'il puisse estre au monde, car tous ensemble n'auoyent la valleur de cinq solz, leurs barques et leurs raitz à pescher hotez. Ilz sont tous nudz, reserué une petite peau de quoy ilz couurent leur nature, et aulcunes vielles peaulx de bestes qu'ilz gectent sur eulx en escharpes. Ilz ne sont point de la nature ny langue des premiers que auions trouué. Ils ont la teste touzée à reonz tout à l'entour, reserué vng rynet en le hault de la teste qu'ilz laissent long comme vne queue de cheual, qu'i lyent et serent sur leurs testes en vng loppin avecques des coroyes de cuyr. Ilz n'ont aultre logis que soubz leurs dites barques qu'ilz tournent, auant de se coucher, sur la terre. Dessoubz icelles ilz mangent leur chair quasi crue, après estre vng peu eschauffée sur les charbons et pareillement leur poisson. Nous fusmes le jour de la Magdelaine o noz barques au lieu où ilz estoient sur l'orée de l'eaue, et descendismes franchement parmy eulx, de quoy ilz demenèrent grand joye et se prindrent tous les hommes à chanter et danser en deux ou troys bandes, faisant grant signe de joye de nostre venue. Mays ilz auoyent fait fouyr toutes les jeunes femmes dedans le boys, fors deux ou troys qui demeurèrent, à qui nous donnasmes chacun vng pigne et à chacune vne petite clochette d'estang, de quoy ilz firent grande joye, remercyant le cappitaine en lui frottant les bras et la poictryne avecques leurs mains; Et en voyant que il auoyt donné à celles qui estaient demourées, firent venir celles qui estoient fuyes au boys, pour en auoyr autant comme les aultres, qui estoient bien vne vigtaine qui se assemblèrent sur ledit cappitaine, en le frottant auec leurs mains, qui est leur façon de faire chere, et il leur donna à chacune sa petite rangette d'estaing de peu de valleur; Et incontinent se assemblèrent ensemble à deuiser et dyrent plussieurs chanssons. Nous trouvasmes grant quantité de macquereaulx qu'ilz auoyent pesché bien à bor de terre, auecques des raiz qu'ilz ont à pescher, qui sont de fil de chanure qui croist en leur pays, où ilz se tiennent ordinairement, car ilz ne vyennent à la mer que au temps de la pescherye, ainsi que j'ay sceu et entendu. Pareillement y croist de groz mil, comme poix, ainsi que au Bresil, qu'ilz mangent en lieu de pain, de quoy ilz auoyent tout plain aueques eulx, qu'i nomment en leur langaige Kagaige; pareillement ont des prunes qu'ilz sechent, comme nous faisons, pour l'yuer, qu'i nomment Honesta, les figues, noix, poires, pommes et aultres fruitz et des febues qu'i nomment Sahe, les noix Daheya, les figues Honnesta, les pommes.... Se on leur monstre aucune choses de quoy ilz n'ayent point et qu'i ne sçauent que c'est, ilz secouent la teste et dyent Nouda, qui est à dire qu'il n'y en a point et qu'ilz ne sçauent que c'est. Des choses qu'ilz ont, ilz nous ont monstré par signes la façon comme il croyst et comme ilz l'acoustrent. Ilz ne mangent jamays chose où il y ait goust de sel. Ilz sont larrons à merueilles de tout ce qu'ilz peuuent desrober.

Le XXIIIIe jour dudict moys nous fismes faire vne croix de trente piedz de hault, qui fut fete deuant pluseurs d'eulx, sur la poincte de l'entrée dudit hable, soubz le croysillon de laquelle mismes vng escusson en bosse à troyes fleurs de lys, et dessus vng escripteau en boys en grant, en grosse lettre de forme où il y auoit Vive le Roy de France; Et icelle croix plantasmes sur ladicte poincte deuant eulx, lesquelz la regardèrent faire et planter; Et après qu'elle fut esleuée en l'air, nous mismes tous à genoulx, les mains joinctes, en adorant icelle deuant eulx et leur fismes signe, regardant et leur monstrant le ciel, que par icelle estoit nostre Redemption, de quoy ilz firent plusieurs admyradtions, en tournant et regardant icelle croix.

Nous estans retournez en nos nauires, vint le cappitaine, vestu d'une vielle peau d'ours noire, dedans une barque auecques trois de ses filz et son frère, lesquelz se aprochèrent si près du bort, comme auoyent de costume, et nous fit vne grande harangue, nous monstrant ladite croix et faisant le signe de la croix auec deux doydz, et puis nous monstroit la terre tant à l'entour de nous, comme s'il eust voullu dire que toute la terre estoit à luy, et que nous ne deuyons pas planter ladite croix sans son congé. Et après qu'il eut finy sadite harangue, nous luy monstrasmes une hache, faignant la luy bailler pour sa peau, à quoy il entendit et peu à peu s'aprocha du bout de nostre nauire, cuydant auoyr ladite hache; Et l'un de noz gens estant dedans nostre bateau, mist la main sur sa dite barque et incontinant il en entra deux ou troys dedans leur barque et les fist on entrer dedans nostre nauire, de quoy furent bien estonnez, et eulx estans entrez, furent assenez par le cappitaine qu'ilz n'auroient nul mal, en leur monstrant grant signe d'amour; et les fist on boyre et manger et faire grant chere, et puis leur montrasmes par signe que ladite croix auoit este plantée pour faire merche et ballise, pour entrer dedans le hable et que nous y retourneryons bien tost et leur apporteryons des ferremens et aultres choses, et que nous voullyons amener deux de ses filz auecques nous, Et puys les rapporteryons audit hable; et acoustrasmes sesditz deux filz de deux chemises et de liurées et de bonnetz rouges, et à chascun sa chainette de laton au col, de quoy se contentèrent fort et baillèrent leurs vieulx hallyons à ceulx qui retournoient; et puis donnasmes aux troys que renuoyasmes, à chacun son hachot et deux cousteaux, de quoy menèrent grant joye et eulx estans retournez à la terre, dyrent les nouuelles aux altres. Enuyron midi d'icelluy jour, retournèrent six barques à bort où il y auoit en chacune cinq ou six hommes, lesquelz venoyent pour dire adieu aux deux que auyons retenus, et leurs apportèrent du poisson et nous firent signe qu'ilz ne habbateroyent ladite croix, en nous faisant plusieurs harengues que n'entendions.

Le landemain, XXVe jour dudit moys, le vent vynt bon et appareillasmes du hable; et nous estans hors de ladite ryuiere, fismes porter à l'Est Nordest, pour ce que depuis la terre de ladite riuiere estoit la terre rengée, faisant une baye en manière de demy cercle, dont auyons veues de toute la couste de noz nauires; Et en faisant la routte, vynmes querre ladite terre qui gisoit Suest et Nornoyst, le paraige de laquelle il pouoyt auoir de distance, deppuys ladite riuiere, enuyron XX. lieues.

Dempuys le lundi XXVIIe, soleil à Ouest, rengasmes ladite terre, comme dit est, gisant Suest et Nornest, jusques au mardi que vismes ung altre capt où la terre commence à s'abattre à l'Est et la rengasmes XV. lieues, et puis commence ladite terre à se rabbattre; mes à trois lieues d'icellui capt y a de sonde XXIIII. brasses de taygnay et le tout desdites terres sont terres vnyes et les plus descouuertes de boys que nous ayons veu et trouué, auec belles praryes et champaignes vertes à merueilles. Le dit cap fut nommé le cap St Loys, pour que ledit jour estoit la feste dudit saint, et à 40 et 9 degrez ung quart de latitude et à soixante et treize degrez et demy de longitude.

Le mercredi au matin, nous estans à l'Est dudit cap, et fismes porter au Norneist pour accouster la terre jusques enuyron solel couchant; icelles gisent vers le Su dempuys ledit cap St Loys jusques à vng aultre cap nommé cap de Memorancy; enuyron quinze lieues audit cap la terre commence à se rabattre au Nornest. Nous cuydasmes sonder à troys lieues ou enuyron dudit cap et ne peulmes y trouuer fonds à cent cinquante brasses; nous rengasmes icelle terre enuyron dix lieues jusques en la haulteur de cinquante degrez en latitude.

Le samedi, premier jour d'Aoust, à soleil leuant, husmes congnoissance et veue d'altres terres qui nous demouroyent au Nor et au Nordest, de meme qu'elles estoient haultes terres à merueilles et huchées à montagnes; entre nous et lesquelles y auoyt des basses terres où il y a bois et riuieres. Nous rangasmes lesdites terres tant d'une part que d'aultre, passant à Nornest pour veoyr si c'estoit baye ou passage, jusques au cinquieme jour dudit moys. Il y a de l'une terre à l'aultre enuyron XV lieues; et le par my en C. degrez ung tiers de latitude, sanz jamais pouuoyr gagner dedans icelle plus que enuyron XXV lieues pour la difficulté des grands ventz et maréez qui là estoient; et fusmes jusques au plus destroit d'icelle où l'on voyt la terre facillement de ung à l'aultre et là commence soy alaiser. Et pour ce que ne faisions que dechoir avaulx le vent, fusmes à terre auec nosdites barques pour deuoyr aller jusques à ung cap de ladite terre du Su, qui estoit le plus long et le plus hors que nous vissions à la mer où il y auoit enuiron cinq lieues. Et nous arriuez à ladite terre, trouuasmes que c'estoient roches et fons curé, ce que n'auions trouué par tous les lieux où auions este deuers le Seu, despuis le cap Saint Jean. Et à icelle heure y auoit hebe qui portoit contrevent à Oest, tellement que en nageant le long de ladite couste, l'une de noz barques toucha sur ung rocher, qui fut incontinent panchie, de sorte qu'il nous fallyt tous saulter hors pour la boutter à flot. Et après que nous eusmes nagé le long de ladite couste enuyron deux heures, le flot commença à faire, qui venoyt de l'Oest contre nous, si impetueusement, qu'il ne nous estoit possible de gaigner en avant la longueur d'un gy de pierre auec treize aduyrons; et nous conuint laisser lesdites barques et plusieurs de noz gens à les garder et aller par terre, dix ou douze hommes, jusques audit cap ouquel trouvasmes ladite terre commencen à se rebatre au Surnoest. Nous ayant ce veu, retournasmes auec nosdites barques et vinsmes à noz nauires qui estaient à la voille, esperant toujours gagner en avant, qui estoient deschuz plus de quatre lieues aual le vent de là où les auyons laissées. Et nous arrivez audit navire, assemblasmes tous les cappitaines, pillottes, mestres et compagnons pour auoyr l'oppinion et aduys de ce qu'il estoit bon de faire; et après auoir l'ung après l'aultre dit que, conscideré les grans ventz d'avaulx qui commençoyent, et que les marées estoient fortes, tellement qu'ilz ne faisoient que decheoyr, et qu'il n'estoit possible de gaigner oultre en ceste saison, et aussi que les tormentes commençoyent en icelluy temps en la Terre neufve, et que nous estions encores bien loing et ne sçauions les dangiers qui estoient entre deux, qu'il estoit bien temps de s'en retourner ou de demeurer par là, véant et dauantage, que si une muayson de vent du Nord nous prenoit, que c'estoit force de y demeurer; après lesquelles oppinions prinses, fismes arivez large à nous en retourner, et pour ce que le jour saint Pierre nous entrasmes dedans ledit destroit, nous le nommasmes le destroyt Saint Pierre. Nous l'avons sondé en plusieurs lieux et y auons trouvé en aulcuns VIIIXX brasses, et en aultre cent, et plus près de terre soixante et quinze brasses et partout fonds curé.

Et depuys ledit jour jusques au mecredi, eusmes vent à gré et fort ventant et rengeasmes ladite terre du Nord Est Suest et Oest Nornoest, car ainsi gist, fors une ance et cap de terre basses qui prent plus du Suest, que est enuyron XXV. lieues dudit destroit; auquel lieu vismes des fumées que les gens de ladite terre faisoient sur ledit cap. Et pour ce que le vent chargeoyt à la coste, n'y aprochasmes; et eulx voyans que n'y aprochions, viendrent auec deux barques, enuyron douze homes, lesquelz vindrent aussi franchement à bort de noz nauyres, comme s'ilz eussent esté Françoys. Ilz nous firent entendre qu'ilz venoyent de la grant baye et qu'ilz estoient au cappitaine Thiennot, lequel estoit sur ledit cap, nous faisant signe qu'ilz s'en retournoyent en leurs pays, deuers là où nous venyons et que les navyres estoient appareillez de ladite baye, tous chargez de poisson. Nous nommasmes ledit cap le cap Thiennot.

Dempuis celluy cap gist la terre Est Suest et Ouaist Nornoist et sont toutes basses terres, bien belles, toutes rangées de sablon, où il y a là mer de arafiffes et basses jusques enuyron ung lieues où commence la terre à s'aterre à Oest et à l'Est Nordest, toute rangée d'isles estantes à deux ou troys lieux loing de terre, le paraige desquelles y a des basses dangereuses à plus de quatre ou cinq lieues loing de terre.

Despuis ledit mecredi jusques au samedy eusmes grant vent de Surnoist et fismes porter à l'Est Nordest; et ledit jour vynmes querir la terre de l'Oest de Terre neufue entre les Granches et le Cap double; et alors le vent vint à l'Est Nordest en yre et tormente et mysmes le cap au Nort Nornoist et allasmes querir la bande du Nort qui est comme davent tout rengée d'isles, et nous estans jouxte ladite terre et isles, le vent survynt et vint au Su et fismes porter dedans ladite baye, et le lendemain, IXe d'Aoust, entrasmes dedans Blanc Sablon.

Fin des Descouuremens.

Et depuis, sçauoyr le quinziesme jour d'Aoust, jour de feste de l'Assumption Nostre-Dame, partismes assemblement dudit hable de Blanc Sablon, après auoir messe et aueques bon temps vynmes jusques à la my mer d'entre Terre neufue et Bretaigne, auquel lieu eusmes troys jours continuez de grande tourmente de vents d'auaulx, laquelle auec l'ayde de Dieu nous souffrismes et endurasmes; et despuis eusmes temps à gré, tellement que arriuasmes au hable de Saint Malo dont estyons partiz, le Ve jour de Septembre audit an.




APPENDICE

Abrégé des voiages, découvertes et habitacions faits en l'Amerique septentrionnale, par les François et ensuite celles faites par les Anglois.


Premièrement, il est très-certain et approuvé de tous que sa Majesté très crestienne a pris possession du dit païs avant tout autre prince crestien; et que les Bretons et Normans ont découvert et trouvé les premiers, le grand Banc et la coste dudit païs, qu'ils appelèrent lors la Terre neuve, depuis le Canada, et à présent la Nouvelle France. Ces découvertes furent faites l'an 1504, comme il se void dans l'Histoire de Niflet et Antoine Maydini, imprimé à Douay.

Et davantage, il est très-probable que, par commandement du Roi François Ier, Jean Veruzan prit possession dudit païs, au nom de sadite Majesté, commançant dès le 33e degré d'elevacion, jusque au 47e de latitude, ce qu'il fit par deux divers voiages dont le dernier fut l'an 1523; et fut des lors appellé la Nouvelle France.

L'an 1535, Jacques Cartier entra le premier en la grande rivière Saint-Laurent, et y fut jusques au grand sault Saint-Louïs, lequel decouvrit la plus grande partie des costes dudit païs.

L'an 1541, ledit Cartier fit un autre voiage audit païs en qualité de lieutenant de Mre Jean François de la Roque, seigneur de Roberval, qui estoit des lors pourveu de la charge de lieutenant général audit païs.

L'an 1542, ledit seigneur de Roberval y fut en personne avec trois navires chargez et equipez de toutes choses necessaires, et y fit lors une habitation à l'Isle d'Orléans en ladite Rivière.

L'an 1543, Alphonce Zaintongois fut envoié par ledit sieur de Roberval vers la Brador, lequel decouvrit la coste du Nort de la Baye ou Golphe Saint-Laurens et le passage entre la grande terre et l'isle de Terre neuve du costé du Nort, à 52 degrez de latitude.

Es annees 1564. 65. et 1566 les sieurs Ribault et Laudonniere furent à la Floride par ordre du Roi Charles IXe, en très-bon équipage et y firent habitacion. Ils y edifièrent la Caroline au 36e degré.

L'an 1590 le Roi Henry IVe, anvoia le Marquis de la Roche, de Bretagne, en la dite nouvelle France, en qualité de son Lieutenant, avec pouvoir de commander audit païs depuis le 4e degré jusqu'au 52e.

L'an 1600, le commandeur de Chasle, gouverneur de Dieppe, succeda audit gouverneur, lequel y envoia en qualité de son lieutenant, le sieur de Mons, lequel fit nouvelle habitacion en la Riviere Sainte-Croix et en la Baye Françoise, à 45 degrez.

L'an 1603, sa Majesté se voiant en possession actuelle et réelle dudit païs depuis le 40e degré, jusqu'au 52e, y envoia le sieur Champlain, avec ordre d'en faire la description, lequel partit d'Honnefleur en Normandie pour y aller le 15e de mars, et se rendit en la rivière Saint-Laurent au mois de mai ensuivant, et l'année suivante, 1604, fut à la rivière Sainte-Croix, et en l'année 1607 fut au Port Roial, où il trouva ledit païs habité par le seigneur de Mons, et ce fut lui qui imposa lors le nom du Port Roial, à cause d'un grand bassin qui y est à son entrée. Le seigneur de Mons faisoit sa demeure actuelle en la rivière Sainte-Croix; après lui a succédé audit Gouvernement le sieur de Poitraincourt, lequel faisoit sa demeure au Port Roial; après lequel a succédé le sieur de la Tour, qui faisoit sa demeure au Cap de Sable, sous le gouvernement duquel les Anglois s'emparèrent pendant la guerre, ès années 1628 et 1629 du Port-Roial, Isle du Cap Breton et Quebeck, à sçavoir: les sieurs David et Jean Guert de Quebeck en la rivière Saint-Laurent, le sieur Guillaume Alexandre, chevalier escossois du Port-Roial et Isle du Cap Breton qu'il qualifia la Nouvelle Escosse, et constitua au dit Port Roial un nommé Sre André Forrester pour gouverneur et son lieutenant. Ledit Alexandre faisoit lors sa demeure à Boston, en la nouvelle Angleterre, quoique dès lors la compagnie de la nouvelle France fust formée, comme il se justifie par l'édit du feu Roi Louis XIIIe, verifié en parlement ladite année 1628. Sa Majesté en estant advertie par ladite compagnie, se les fit restituer, comme il se void par le traité fait entre sadite Majesté et le Roi Charles, dernier Roi d'Angleterre, le 29 mars, l'an 1632.

Et la mesme année 1632 le Roi envoia en qualité de son Lieutenant audit païs, le commandeur de Razilly, avec les ordres et mandement dudit seigneur Roi d'Angleterre à ses officiers estans audit païs, de sortir et vuider les lieux qu'ils occupoient, et en laisser prendre possession audit sieur de Razilly, pour Sa Majesté, comme il fit, sçavoir: dudit Port-Roial et Isle du Cap Breton; et lequel fit de nouvelles habitacions à la Heue et depuis à Pentagoit, lequel décéda audit lieu de la Heue, l'an 1636. Et messieurs de la compagnie anvoièrent à ladite rivière Saint-Laurent et prirent possession du fort de Quebeck, où ils establirent pour gouverneur et lieutenant pour le Roi Monsieur de Mommagny.

Charles de Menou, seigneur d'Aulnay a esté pourveu de ladite qualité de lieutenant de roi audit païs, lequel y est aussi decédé l'an 1650.

Les Anglois se servirent de l'occasion des derniers troubles, l'an 1654; et par intelligence avec le sieur de la Tour lequel (après la mort dudit d'Aulnay) aurait obtenu subreptissement de Sa Majesté une commission de gouverneur audit païs, se sont (pour la seconde fois) emparez dudit Port-Roial du Fort de Saint-Jean et Pentagois, qui y ont esté depuis construits par ledit de Menou. De quoi Sadite Majesté aiant esté advertie en a demandé la restitution, comme il se void par le dernier traité fait entre la France et l'Angleterre l'an 1655; et l'an 1657, ladite compagnie présenta Monsieur Le Borgne à sa Majesté pour estre honnoré de la charge de son lieutenant audit païs, ce qu'elle agréa, et en fit à l'instant expédier ses lettres de commission, en faveur dudit Le Borgne, que Sa Majesté honnora aussi de la qualité de chevalier de son ordre, et lui en fit delivrer des lettres.

Le commun consentement de toute l'Europe est de disjoindre la Nouvelle France, du moins depuis le 40e degré d'élévation jusqu'au 52e degré de latitude, ainsi qu'il appert par les Mappemondes imprimées en Espagne, Italie, Hollande, Flandres et Allemagne et en Angleterre mesme, si ce n'est depuis qu'ils se sont emparez, depuis le 36e degré jusqu'au 44e, qu'ils appellent à présent la Virginie, autrement la Nouvelle Angleterre.

Toutes les veritez de ce que dessus se justifient encore particulièrement par le livre de Champlain, avec la carte de toute la coste, ports, havres et rivières qu'il en a fait, intitulé les Voiages de Champlain en la Nouvelle France; dont il est fait relacion depuis l'an 1603 jusques en l'année 1631, et depuis chacun s'en est servi et les ont adaptez sur les globes et cartes universelles.

Venons à celles faites par les Anglois, car ce n'est rien de dire comme ils font, qu'ils sont les premiers qui ont decouvert lesdits païs; il est question de sçavoir quelles elles sont.

Il est très certain que quand il se fait quelque nouvelle decouverte, on est assez curieux d'en descrire le temps, ce que les Anglois ny les autres nacions n'ont oublié suivant les Memoires qui leur en ont esté envoiez de ce qu'il s'est fait en semblable occasion; et cependant il ne se trouve aucun auteur qui dise que les Anglois aient esté avant les François en Amérique.

Il est vrai que les Anglois ont les premiers descouvert du coste du Nort-West la terre de La Brador et fut on dans des Isles et quelque passage entre les terres depuis le 56e degré jusque vers le pole Artique, comme il se void par les voiages qui en ont esté imprimez, tant en Angleterre qu'ailleurs, de quoi ils peuvent se prévaloir sans uzurpation, et voici comment.

En premier lieu Sébastien Cabot (par le commandement du Roi Henry) fut (en l'année 1499) pour decouvrir quelque passage vers La Brador; mais il s'en revint sans aucun fruit ny progrez.

Es années 1576. 77. et 1578. M. Martin Fesbishie y fut par trois divers voiages, sans y avoir fait aucune habitacion, pour n'avoir trouvé ledit païs favorable ny habitable.

En l'année 1581, Estienne Darmond fut en la grande isle, nommée à présent l'Isle de Terre-neuve, du costé du Nort d'Est de ladite Isle, et un nommé Richard Voilabauche y fut aussi en la mesme année, mais sans y avoir fait aucune habitacion.

En l'année 1585, Onfray Gilbert et Jean Davis furent aussi à ladite Isle, lesquels trouverent lors le passage qui est entre la terre ferme et leur isle pour entrer et sortir le golphe Saint-Laurent.

En l'année 1590, un nommé le capitaine George fut aussi vers le Nort, à dessein de trouver quelque passage que plusieurs navigateurs cherchoient pour aller aux Indes Orientales; mais il fut contraint de s'en revenir, ne l'ayant pu trouver non plus que les autres qui l'avoient cherché avant lui.

Et de plus fraiche mémoire, en l'année 1612, un nommé le capitaine Richart y fut envoié, lequel rapporta y avoir trouvé un passage, mais qu'il n'avoit ozé s'y engager à cause de plusieurs dificultez qu'il disoit y avoir trouvées, et voulut persuader que c'estoit ledit passage pour aller aux Indes Orientales, du costé de l'Oest.

Du costé du Sud de ladite Amérique
voici ce que les Anglois y ont fait.

En l'année 1594, quelques particuliers Anglois furent à la coste de la Floride au 35e degré d'élevacion, arrivant à un lieu qu'ils appellèrent Macasa, et y aïant trouvé une rivière et le païs assez beau, ils commancèrent à y bastir, lui imposant le nom de la Virginie, mais ils furent contrains par le mauvais traitement que leur firent les Sauvages et autres incommoditez, de s'en retirer et de l'abandonner.

Depuis, le roi Jacques, l'an 1607, le 4e de son règne, sur le récit qui lui fut fait dudit païs, prit résolucion de le faire connoistre et habiter, et pour favoriser l'establissement d'une colonnie, accorda de grands privilèges à ceux qui voudroient entreprendre de la peupler, et avec pouvoir de s'establir depuis le 33e degré jusques au 45e et 50 mille avant dans la mer; et à cet effet fit expédier ses lettres et commissions, néanmoins avec cette excepcion specifiée par icelles: «... Nous leur donnons toutes les terres audit païs, jusques au 45e degré, lesquelles ne sont actuellement possédées par aucun prince crestien.» En vertu desquelles lettres, les Anglois furent (quelque temps après) s'abituer au 36e degré. Or il est très constant qu'avant la date des dites lettres, le Roi de France possédoit actuellement et réellement, pour le moins, depuis le 40e degré jusques au 44e, qu'ils appellent la Virginie, autrement la Nouvelle Angleterre, à cause que les François n'y estoient actuellement demeurans. Voilà ce qui se peut dire de plus véritable et de plus favorable pour eux, au regard desdits voiages, descouvertes et habitacions qu'ils ont faites audit païs de l'Amerique, et par conséquent il est facile à connoistre et juger que l'Estat de France y a des prétencions plus légitimes que celui d'Angleterre.






NOTE

SUR LE

MANOIR DE JACQUES CARTIER

Agrandissement

NOTE

SUR

LE MANOIR

DE

JACQUES CARTIER

PAR

M. ALFRED RAMÉ

PARIS

LIBRAIRIE TROSS


1867




NOTE

SUR LE

MANOIR DE JACQUES CARTIER


e capitaine Cartier, comme tous les notables bourgeois de Saint-Malo au XVIe siècle, possédait dans la banlieue de la ville un manoir dont il prenait le nom et où il allait se délasser des fatigues de ses expéditions maritimes. Il figure en effet avec le titre de sieur de Limoïlou dans la fondation d'un obit fait le 29 novembre 1549 à la cathédrale.

Ce domaine de Limoïlou, situé sur la limite des paroisses de Paramé et de Saint-Coulomb, à mille mètres environ de la côte, est une vraie station de navigateur, établie comme un observatoire au point culminant d'un mamelon qui s'abaisse d'un côté jusqu'à Saint-Ideuc, de l'autre jusqu'à l'Océan. De là, dans la direction de l'étoile polaire, qui l'avait guidé aux plages inconnues du Canada, Cartier voyait la pointe de la Varde, qui n'était pas encore défigurée par les lignes géométriques d'un fort; à droite, il avait le village de Roteneuf et la baie sinueuse qui s'enfonce vers Saint-Coulomb; à gauche, la vaste grève qui s'étend jusqu'au château de Saint-Malo; au-dessus du tout, la mer pour horizon, et, dans le lointain le plus reculé, le profil du cap Frehel, signal cher aux marins qui regagnent le port.

Le manoir de Cartier existait encore presque entier en 1865, et ses proportions modestes n'annonçaient guère la résidence de l'homme qui avait donné au roi de France un royaume plus vaste que la France même. La pénurie, qui s'y montrait jusque dans les vices de construction et dans le mauvais choix des matériaux, faisait bien voir qu'à ses expéditions aventureuses le capitaine avait gagné plus de renom que d'argent. Les bâtiments étaient disposés des deux côtés d'une cour carrée, close à ses deux autres extrémités par de grands murs. En homme qui connaît la furie des vents d'ouest et de nord sur la côte de Bretagne, Cartier avait aspecté son logis au midi, et ne lui avait donné qu'un étage sur rez-de-chaussée. Chaque étage comprenait deux pièces: en bas, la cuisine et la salle; en haut, un réduit et la chambre du capitaine. L'escalier, contenu dans une tourelle ronde, faisait saillie sur la cour et rompait la monotonie de la façade. Le pignon du levant donnait sur le jardin; à celui du couchant était accolé un bâtiment plus bas servant d'écurie. En face, de l'autre côté de la cour, se trouvaient la grange, le pressoir et l'étable. Au centre, un ample puits carré, avec une belle margelle en granit, fournissait une eau abondante.

On entrait dans la cour par une grande porte charretière sans autre ornement qu'un écusson soutenu par deux anges et placé au point le plus apparent, à la naissance du cintre surbaissé qui couronnait l'entrée. Le champ de l'écusson portait uniquement un franc quartier. C'étaient des armes parlantes. Cette sculpture en granit, très-fruste, haute de 0m.45 et large de 0m.55, est reproduite en guise de fleuron en tête de cette notice.

Ne pas croire, sur la foi d'un dessin, dont l'original figure au musée de Saint-Malo, et d'une lithographie de Charpentier, de Nantes, qui l'a vulgarisé, que cette entrée ait jamais été décorée d'une double porte à pilastres, l'une destinée aux piétons, l'autre aux voitures, ni qu'une date de 1545 ait été sculptée à la clef de voûte. Tous ces enjolivements sont autant de fantaisies du dessinateur, qui, trouvant trop modeste l'entrée du manoir de son héros, l'a décorée en empruntant arbitrairement à d'autres constructions du pays un type qui y est devenu commun au XVIIe siècle. C'est par une licence non moins grande qu'il a donné aux deux anges et à l'écusson une taille d'au moins six pieds de hauteur. Si aise que pût être Cartier des lettres de noblesse que lui concéda, dit-on, François Ier, il n'exagérait pas à ce point la dimension de ses insignes nobiliaires. Cet écusson montre, au surplus, aussi bien que le fait de l'anoblissement, s'il est réel, que Jacques Cartier n'était pas, comme l'a dit M. Pol de Courcy (Nobiliaire de Bretagne, I, p. 162), de la famille de ces Cartier sieurs du Hindret et de la Boulaye, qui portaient écartelé d'azur et d'argent à quatre fleurs de lis de l'une et l'autre, et qui ont fait leurs preuves de noblesse dès 1478 et 1513.

On pourrait contester aussi que tous les bâtiments du manoir remontent à l'époque de Jacques Cartier. Ainsi la forme des ouvertures du logis, les moulures de la menuiserie des portes et des fenêtres, paraissent en partie plus modernes que le XVIe siècle, quoique la souche de l'édifice appartienne au plan primitif. Il faut en dire autant des panneaux de verre peint qui garnissaient la fenêtre de la chambre principale, à l'orient. Ces panneaux représentent au centre, dans un médaillon circulaire, l'un saint Bertrand, l'autre saint Julien, et autour, dans de petits compartiments carrés, des scènes champêtres (une chasse au renard, des cavaliers) ou des paysages (des arbres, un château, un puits, etc.). Ils sont traités dans le goût de la fin du XVIIe siècle et d'une façon très-lâchée. Ce sont, en somme, des oeuvres fort médiocres, et qu'il n'est pas possible de rattacher, comme on a essayé de le faire, aux souvenirs intimes du grand navigateur malouin.

Derrière le logis, au nord, se trouve le verger; à l'orient s'étend le jardin, bel enclos aux compartiments carrés et symétriques, sur lesquels ouvre la salle du rez-de-chaussée; derrière le jardin, une allée de tilleuls de cinquante pas de longueur, promenoir précieux sur cette terre aride. Cette plantation est encore jeune; elle remplace celle de Cartier, qui tombait de vétusté au commencement du siècle. Ce sont les derniers arbres du pays; au delà commence la plaine rase, qui bientôt se transforme en sables et aboutit à la mer. De là aussi la vue s'étend sans obstacle sur le bel horizon indiqué plus haut.

Aujourd'hui, le manoir de Limoïlou et ses dépendances, lézardés de toutes parts, tombent en ruines. Ils doivent faire place, dans un avenir prochain, à une maison de ferme plus vulgaire d'aspect, mais de construction plus solide. Nos croquis, exécutés en 1865, conserveront au moins le souvenir de l'état ancien des lieux, quand il ne restera plus d'autre trace du séjour du grand navigateur, sur ce domaine, que le nom de Portes Cartier, que lui conserve encore la mémoire fidèle des habitants.

Rennes, 15 janvier 1867.