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Bien que les conditions soient précaires en Nouvelle-France on baptise le plus vite possible après la venue de l’enfant. En 1664 et en 1677, Mgr de Laval enjoint les parents de faire baptiser leur enfant dans les trois jours suivant leur naissance. S’ils ne se soumettent pas à cette recommandation, ils risquent l’exclusion de l’Église pour un mois, voire l’excommunication s’ils répètent le retard (Charbonneau, p. 346). Au début de la colonisation, la population semble se soumettre assez bien à cette recommandation puisque l'étude de la démographie confirme qu'avant 1660, le tiers des nouveau-nés reçoit le baptême plus de deux jours après la naissance, l’âge moyen dépassant quinze jours par l'influence de quelques grands intervalles. Cette moyenne s’abaisse à cinq jours après l'intervention de l’évêque. C’est sous peine d’excommunication que de Mgr Saint-Vallier enjoint le parents de présenter leurs enfants l’église au plus tard trois ou quatre jours après leur naissance [...] (Lemieux, 1985, p. 87)
Malgré tout il n'est pas surprenant d'apprendre que les mois où l’on baptisait le moins le jour même de la naissance ou dans les jours suivants étaient janvier et février, et ceux où l'on baptisait le plus étaient juin et juillet (Ibid, p. 351). Toutefois, malgré les intentions louables des habitants, il appert que le développement progressif du peuplement dans la vallée du Saint-Laurent et l’impossibilité pour les prêtres d’être partout à la fois semblent avoir eu une certaine influence sur le moment du baptême. Ainsi, dans certaines campagnes éloignées, où l’on doit parfois voyager par bateau en l’absence de chemin, ou par mauvais temps, les habitants reportent le baptême.
Ceux qui assistent au baptême ne sont pas nombreux. Il y a les parrain et marraine et, selon la coutume, la porteuse de l’enfant qui est généralement une parente, la grand-mère, une voisine, plus rarement la sage-femme ou une femme qu’on veut honorer. Gauthier relève l’aspect honorifique de cette fonction : "Aux yeux de la plupart des informatrices, la porteuse remplissait une fonction très importante car en plus de s’occuper de l’enfant, elle était en quelque sorte le substitue de la mère absente" (Gauthier, 1991, p. 219).
Le Rituel de St-Vallier a donc un rôle particulièrement structurant après la Conquête, au moment où de jeunes prêtres canadiens font leur entrée dans les ordres; les contacts avec la France sont à ce moment rompus, tandis que ceux avec Rome se raréfient. Grâce au Rituel et à la reproduction de ses rites, l’Église maintient un encadrement stricte de la vie paroissiale, mais à partir "d'une histoire spécifiquement canadienne" du rituel (Hubert, p. 116).
Mais que dit le Rituel concernant le baptême? On doit remarquer que l’Église veut que l’on « jette l’eau sur une partie considérable de l'enfant, comme peut être la tête, la poitrine, les épaules; sans quoy il y a à douter que le Baptême soit valide. On ne laissera pas en ce cas d'un extreme danger, de baptiser sous condition un enfant qui est encore dans le ventre de sa mère, sur la partie qui paroît, quoi qu’elle ne soit pas considérable. Le Baptême ne seroit pas valide non plus, si l’un versoit & l’autre prononçoit les paroles; & il est absolument nécessaire que ce soit la même personne qui fasse l’un & l’autre en même temps »(Rituel du diocèse de Québec, publié par l’ordre de Monseigneur de Saint Vallier Evêque de Quebec, p. l7, cité par Hubert, p. 42 — notez qu'à cette époque la Nouvelle-France n'a qu'un seul diocèse). Le Rituel encadre aussi le nom donné aux enfants lors du baptême, à ce propos voir les Notes en bas de page.
En raison des particularités socio-géographiques de la Nouvelle-France, telles que l’étendue des paroisses, la structure des rangs, l’absence de routes et le climat, il semble que la pratique de l’ondoiement, version minimaliste du baptême, se soit rapidement propagée sur l’ensemble du territoire. Dès 1703, le Rituel recommande au cure « d'avoir soin dans les prônes d’apprendre à leurs paroissiens la manière dont on peut conférer ce sacrement dans une nécessité pressante” et de conseiller à leurs ouailles d'avoir sur eux, lors du trajet jusqu’à l'église, de l’eau dans quelques vaisseaux pour les baptiser lors que les enfants donneront des signes de mort » (Rituel du diocèse de Québec).
La formule sacramentelle qui doit être dite au moment où l’ondoyeur verse l’eau se résume ainsi: « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Mais ces paroles varient suivant la situation lors de l’accouchement: ainsi les expressions "si tu es homme", "si tu es capable de recevoir le baptême", "si tu n'es pas baptisé", doivent être prononcées suivant que l’enfant est "monstrueux", inerte ou que la naissance est impossible. Si la mère vient à mourir avant d’être délivrée, l’enfant doit être retiré du corps avec promptitude et être baptisé (Laforce, p. 34). L'ondoiement doit être faite en présence de témoins pour être reconnue valide, et si l’enfant survit, le curé complétera à l’église les éléments manquants du rite telle l'onction.
L’ondoiement concerne au départ les situations d’urgence. Selon Laforce (p. 35), qui a relevé les mentions d’ondoiement, cette pratique survient au moment même de l’accouchement dans 60,78% des cas; soit "dans le sein de sa mère", ou "avant de venir au monde" dans 13,72% des cas. En cas extrême, l’Église permet le baptême in utero ; Collard (1999) désigne par "baptême de chair" cette pratique rituelle de la sage-femme touchant le fœtus non encore délivré. « "Si la mère vient à mourir avant que d’être délivrée", recommande le Rituel, "l’enfant doit être tiré de son corps avec toute la promptitude, et précaution possible, pour le pouvoir baptiser". » (Rituel, cité par Lemieux, 1985, p. 83). Par ailleurs bien que le Rituel ne le mentionne pas spécifiquement (c'est la norme en France à la même époque), l’ondoiement ne peut se faire que si l’enfant est vivant, sinon il y aurait sacrilège, à cet effet on recommande une formule peut être employée si on ne peut certifier que l’enfant vit encore : "Si tu es vivant, je te baptise, ...". Par contre on ne sait pas si cet énoncé était employé au Québec.
Il existe une hiérarchie pour l’administration de l’ondée. Le prêtre a préséance sur le laïque, et l’homme sur la femme. Cependant, « [...] en cas de nécessité, toutes sortes de personnes “même les femmes, les hérétiques et les infidèles” peuvent procéder au rite (Rituel, cité par Laforce, p.34). Dans la mesure du possible, le nouveau-né doit être baptisé par n’importe quelle personne autre que les parents. Laforce remarque que l’ondoiement par les parents est peu fréquent et interprète les huit cas dénombrés comme des situations extrêmes (Laforce, p. 52). Supposons que c’est justement en raison d’une “situation extrême” qu’à la première page du tout premier registre en Nouvelle-France il est inscrit un acte d’ondoiement par un "anglois":
Ondoyer un enfant, c'est aussi lui donner un nom. Les prénoms les plus courants sont Marie et Joseph et ils peuvent peuvent être attribués « aux fœtus sexués nés avant terme, aux enfants morts-nés, aux enfants ondoyés morts sans baptême. Cependant, les fœtus dont le sexe est indéterminé ne reçoivent pas ce nom » (Garneau, p. 44).
Il est fort probable cependant que ces actes de sépulture soient une pratique récente, car avant 1830 les corps d’enfants morts sans baptême étaient enterrés à l’extérieur du cimetière, dans des lieux non sacrés et non marqués. Ce n’est qu’au milieu du XlX’ siècle que ces corps et ceux des protestants seront regroupés dans un enclos adjacent au cimetière. Enfin Gauthier note que «Toutefois, lorsque le bébé n’avait pu être ondoyé avant son décès, il était enterré dans un coin retiré du cimetière» (Gauthier 1991, p. 205).
1. A propos de l'origine du baptême. Selon le Dictionnaire historique de la langue française, le terme "baptême" vient du grec chrétien bapäzma ou baptismus : "Le mot grec vient du verbe baptizein « administrer le sacrement chrétien», spécialisation du sens de « plonger, immerger», dérivé de baptein «être plongé dans" ...» Le baptême chrétien tire son origine pour une large part dans le judaïsme. Il en diffère cependant sur un point qui s’avère essentiel : l'apôtre Jean administrait un baptême d’eau, alors que Jésus-Christ introduira un baptême d'Esprit Saint (voir Mc 1,4). Après la mort du Christ, les apôtres baptisent en grand nombre. Selon d’anciens écrits chrétiens le baptême est célébré en toute simplicité après une instruction préalable exposant les éléments de la foi chrétienne. Durant les deux premiers siècles, on confère le rite principalement (ou presque exclusivement) à des adultes parce que l’engagement au baptême demande la foi et le repentir. Les origines du baptême des enfants à leur naissance ne peuvent pas être établies avec précision, mais il semble que la coutume remonte à l’église phénicienne, au IIIe siècle. Si, dès le IVe siècle, on baptisait les petits enfants, il n’en demeure pas moins que le baptême des adultes reste la pratique usuelle pendant les six premiers siècles.
2. A propos du nom de baptême. Jusqu’au XVI’ siècle, l’Église va guider les parents dans le choix du nom en proposant les noms des apôtres, martyrs et saints. Cependant, à la fin du XVI° siècle, le choix sera imposé, ainsi que le prescrit le rituel de Paul V. Le Concile de Trente, en imposant une pré-nomination chrétienne, cherche à éliminer les prénoms païens et ceux de l’Ancien Testament et prénoms à connotation protestante. En 1700, le clergé français éditera un Vocabulaire des noms de saints et de saintes que l’on peut donner au baptême et à la confirmation (Lefebvre-Teillard p. 54). Le "Saint-Patron", dont le culte est important en Occident à partir de la Renaissance, apparaît comme une image frontière avec le surnaturel (Flavigny p. 179). «Placé sous l’autorité du saint patron dont il est “l’enfant selon l’esprit”, le nouveau-né passe alors de "l’état de chose à celui d’être". ll n’était rien ou presque, il devient quelqu'un (Gélis, 1984, p. 537). — Le Rituel de St-Vallier comporte une « Table alphabétique des noms de Saints et de Saintes que l’on peut donner aux Enfants, au Baptême & à la Confirmation ». Cette liste autorise l’attribution de 1624 prénoms chrétiens, dont 1251 prénoms masculins et 373 prénoms féminins. Mais les nouveau-nés seront loin d’en avoir épuisé toutes les possibilités et la majorité porte des prénoms populaires sont conformes aux règles de l’Église (Ribordy, 1995 p. 62-71). Gauthier mentionne qu’«advenant une dérogation à la règle, l’officier ecclésiastique était en droit d’ajouter un nom chrétien et de le consigner dans le registre des baptêmes».
3. A propos de l'usage du nom unique transmis par le père. Un nom unique est octroyé aux individus à leur baptême jusqu'au début du XIVe siècle environ, il semble que cet coutume ait favorisé l'apparition et le développement des surnoms. Dès le Xe siècle, mais surtout à la du XIVe siècle, le nom de baptême unique ne suffit plus à différencier les individus. Le surnom se généralise et se transforme progressivement en patronyme, principalement dans l’aristocratie. C'est à ce moment que débute la formation du système onomastique français: le père transmet son surnom à ses enfants. Outre le problème de l’homonymie, il semble que l’hérédité des surnoms ait correspondu à une restructuration de la société dans la seconde moitié du XIIe siècle. De qualification individuelle, le surnom deviendra donc un "bien" familial qui rappellera le lien de filiation. À force d'usage et de répétition, la pratique de transmission du nom paternel se transforme en coutume puis devient une norme juridique obligatoire à la fin du XVe siècle. À partir du XVIIe siècle, le surnom alors devenu nom de famille prévaudra sur le nom de baptême (prénom). Le père a l’obligation de transmettre son nom, et pour l’enfant cette nomination devient un droit. Refuser de faire baptiser l’enfant sous son nom, c’est désavouer sa paternité. Selon l’ordonnance civile de 1667 (en France et applicable en Nouvelle-Farnce), si le père refuse de signer le registre, c'est qu’il refuse de reconnaître l’enfant comme sien.
4. A propos des registres paroissiaux. En établissant des registres de baptêmes, l’Église se donne les moyens de mettre à jour les empêchements aux mariages pour liens de parenté tant naturelle que spirituelle. Par la suite, l’État va reconnaître officiellement les registres catholiques en réglementant l’obligation de cette pratique. L’union des institutions étatique et religieuse quant à la tenue des registres aura un effet déterminant dans ce qui deviendra quelques siècles plus tard notre état civil. Cependant, au XVI" siècle, le terme n’est pas encore en usage et l’État emploie les termes de l’Église : « Au surplus, il ne s’agit pas exclusivement de la constatation de l’état civil ; la terminologie employée le dit bien en effet : il est question des registres de baptême et non de naissance» (Lemelin, p. 713). — En Nouvelle-France, le plus ancien registre de baptêmes, mariages et sépultures débute 1e 24 octobre 1621 dans la paroisse de Notre-Dame de Québec”. Les premières années, la paroisse conserve pratiquement les événements de toute la région de Québec, mais avec le recoupement en paroisses amorcé par Mgr de Laval à. son arrivée en 1659, chaque communauté paroissiale aura ses propres registres Droüin, p. 19). Autre point du début de la colonie : on tenait des registres distincts pour les “Indiens” et pour les “Blancs”, mais la plupart des registres de missions indiennes ne sont plus disponibles aujourd’hui (Charbonneau et LaRose, p. XV).
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