Thérèse de Courange

L'histoire se déroule à Montréal, Marie-Josèphe - dite - Angélique qui est née vers 1710 à Madère au Portugal (décédée le 21 juin 1734 à Montréal, QC) est une femme noire esclave appartenant à Thérèse de Couagne de Francheville, veuve de François Poulin de Francheville¹, habitant à Montréal. La veuve est une bourgeoise fervente, et sans enfant. Elle se retrouve dans une situation financière précaire suite au décès de son mari qui vient d'investir des sommes importantes dans l'usine sidérurgique de Saint-Maurice. Quelques semaines avant l'incendie, elle a vendu son esclave et attendait le printemps pour l'envoyer chez son nouveau propriétaire. Son témoignage est en faveur d'Angélique mais elle ne parvient pas à prouver l'innocence de son esclave. En 1734, Angélique est accusée d'incendie criminel après qu'un feu ai rasé le quartier des marchands de Montréal. Il est allégué qu'Angélique avait commis cet acte alors qu'elle tentait de fuir son esclavage. Elle a été condamnée, torturée et pendue. Bien que l'on ignore toujours si elle a mis le feu ou non, l'histoire d'Angélique en est venue à symboliser la résistance et la liberté des Noirs.

Agrandir l'image.Marie Joseph Angélique [d'après Kit Lang 2012²]

Petite enfance et esclavage

"Angélique" (connue sous le nom de Marie-Josèphe) est née à Madère, au Portugal, vers 1710. On sait peu de choses sur les 20 premières années de sa vie. Elle a peut-être d'abord été asservie au Portugal, un lieu actif de la traite des esclaves de l'Atlantique. C'est probablement là qu'Angélique a été vendue au marchand flamand Nichus Block lorsqu'elle était au début de son adolescence. Angélique a été emmenée par bateau en Amérique du Nord, s'arrêtant peut-être en Flandre (l'actuelle Belgique du Nord), qui entretenait des liens commerciaux étroits avec le Portugal. Angélique est arrivée en Nouvelle-Angleterre, où elle a été achetée à l'âge de 20 ans par le marchand français François Poulin de Francheville en 1725. Francheville ramène Angélique dans sa ville natale de Montréal pour y travailler comme esclave domestique. Entre le moment où Angélique a quitté l'Europe et celui où elle est arrivée à Montréal, elle aura été vendue au moins deux fois.

À la mort de Francheville en 1733, la propriété d'Angélique passe à sa veuve, Thérèse de Couagne, qui la rebaptise "Angélique", du nom de sa fille décédée. Alors qu'elle était esclave pendant neuf ans au foyer de Francheville, Angélique a eu trois enfants, dont aucun n'a dépassé l'âge de la petite enfance. Les actes de naissance indiquent que le père était Jacques César, un esclave né à Madagascar et appartenant à un ami de la famille Francheville. Certains chercheurs pensent que le couple a été forcé par ses propriétaires à produire une progéniture. Angélique avait également un amant, un ouvrier blanc de France sous contrat nommé Claude Thibault, avec lequel elle a tenté de fuir l'esclavage et qui l'aurait aidée à commettre son délit.

Lutte pour la liberté

En décembre 1733, Angélique demande à sa maîtresse sa liberté, demande que Madame de Francheville refuse. Cette demande a rendu Angélique furieuse, qui déclare alors un petit règne de terreur dans la maison.

Elle répond à sa maîtresse, la menace de mort par "rôtissage", se dispute avec les autres domestiques de la: maison, les menace aussi de les "brûler" et rend la vie si insupportable à sa compagne de travail Marie-Louise Poirier qu'elle quitte son emploi.

Au début de 1734, Mme de Francheville vend Angélique à François-Étienne Cugnet, de Québec, pour 600 livres de poudre à canon. Elle attendait le dégel des glaces sur le fleuve Saint-Laurent pour envoyer Angélique par bateau. La rumeur veut que Cugnet vende à son tour Angélique pour la réduire en esclavage aux Antilles. En apprenant la nouvelle de sa vente, Angélique menace d'incendier la maison de Francheville avec sa propriétaire à l'intérieur.

Peu après, Angélique s'est enfuie avec Thibault. Son intention était de retourner au Portugal, sa terre natale. Le couple met le feu au lit d'Angélique chez Alexis Monière où Francheville a choisi de les déplacer temporairement, et s'enfuit en direction de la Nouvelle-Angleterre, où ils espèrent prendre un bateau à destination de l'Europe. Deux semaines plus tard, Angélique et Thibault sont retrouvés par la police de Chambly. Angélique est rendue à son propriétaire en attendant d'être transportée à Québec, et Thibault est envoyé en prison. Une fois de retour à Montréal, Angélique continue à affirmer qu'elle brûlera la maison de sa maîtresse parce qu'elle veut être libre.

Accusation d'incendie criminel

Dans la soirée du samedi 10 avril 1734, une grande partie de Montréal - le quartier des marchands - est détruite par un incendie. Au moins 46 bâtiments, principalement des maisons, ainsi que le couvent et l'hôpital de l'Hôtel-Dieu de Montréal sont brûlés. Angélique est accusée d'avoir allumé l'incendie et est arrêtée par la police le 11 avril. Le lendemain matin, elle a été traduite en justice et accusée d'incendie criminel, un crime capital puni de mort, de torture ou de bannissement. Dans le système juridique français du XVIIIe siècle, l'accusée était présumée coupable, et en Nouvelle-France, il n'y avait pas de procès avec jury, mais seulement des tribunaux inquisitoires où l'accusée devait prouver son innocence. Les avocats sont interdits d'exercice dans la colonie par Louis XIV.

Agrandir l'image. Plan de la ville de Montréal en 1731, la zone orangée montrer la partie incendiée en 1734

Le 12 avril 1734, Angélique, âgée de 29 ans, est traduite devant Pierre Raimbault, juge de la juridiction de Montréal. Avec Raimbault, il y avait François Foucher, procureur du roi (procureur général et procureur), et quatre notaires. Le scribe du roi, Claude-Cyprien-Jacques Porlier, un personnage important dans les affaires de la cour, était également présent.

Ainsi commença l'un des procès les plus spectaculaires du Canada du XVIIIe siècle. Plus de 24 témoins ont été appelés, dont 23 - incluant une fillette de cinq ans - ont déclaré qu'ils croyaient Angélique coupable d'avoir mis le feu parce qu'à un moment ou à un autre, elle leur avait dit qu'elle le ferait. Un témoin a déclaré qu'elle avait vu Angélique porter un pot de charbon ardants sur le toit quelques minutes avant le début de l'incendie. Le tribunal a estimé qu'elle avait eu l'intention de fuir l'esclavage et qu'elle avait mis le feu pour couvrir ses traces. Or, ce qu'en dit Beaugrand-Champagne (voir en ref.), "Marie-Josèphe Angélique n’aurait pas fait de tentative de fuite suite à l’incendie, malgré en avoir fait une 6 semaines avant l’incendie. De plus, elle aurait sauvé des biens de sa maîtresse des flammes".

Après un procès de six semaines, Angélique est reconnue coupable et condamnée à mort. Elle devait se faire couper les mains puis être brûlée vive. La sentence a été portée en appel devant la Cour supérieure de Québec, où la peine de mort a été confirmée et les aspects macabres de la condamnation atténués. Angélique sera tout de même torturée, pendue, puis son corps sera brûlé. Elle retourne à Montréal pour y attendre sa mort. Tout au long de son procès, tant au tribunal inférieur de Montréal qu'au tribunal supérieur de Québec, elle nie avoir mis le feu.

Exécution

Le matin du 21 juin 1734, Angélique a été torturée dans sa cellule de prison au moyen des brodequins, un instrument de torture médiéval qui lui a écrasé la jambe. L'utilisation de la torture était la norme dans les poursuites judiciaires au XVIIIe siècle et, dans le cas d'Angélique, le tribunal voulait qu'elle admette avoir mis le feu. Sous la torture, elle s'effondre et avoue sa faute. Néanmoins, elle a refusé d'impliquer Claude Thibault - les juges estimant que Thibault et Angélique avaient mis le feu ensemble.

Après la torture, Angélique, vêtue d'une chemise blanche et tenant à la main une torche enflammée (symbole de son crime), fut placée dans un chariot à ordures et amenée au portail de la basilique Notre-Dame, où elle confesse publiquement son crime et demande pardon à Dieu, au roi et au peuple. Elle est ensuite pendue. Le bourreau et tortionnaire est Mathieu Léveillée, un Noir esclave employé comme bourreau royal. Le corps d'Angélique est exposé sur une potence pendant deux heures. À 19 heures, son corps est placé sur un bûcher et brûlé, ses cendres sont jetées aux quatre vents.

Héritage

L'incendie de Montréal, ainsi que l'arrestation puis le procès d'Angélique, en disent long sur la nature de l'esclavage au Canada, une institution juridique qui a existé pendant plus de deux cents ans. Il est possible qu'Angélique n'ait pas allumé l'incendie. Mais elle a fait un bouc émissaire idéal pour ce crime : elle était noire, esclave, pauvre et étrangère, et donc, à tous égards, une paria sociale. En tant qu'esclave, Angélique n'avait aucun droit que la Nouvelle-France ou la société blanche respecteraient.

D'autre part, Angélique a peut-être mis le feu. Elle avait de nombreux griefs contre la société blanche de Montréal. Les Blancs l'avaient réduite en esclavage, l'avaient privée de sa liberté et de ses droits humains et l'avaient arrachée à une patrie qu'elle aimait manifestement. À Montréal, elle avait tenté au moins une fois d'échapper à l'esclavage, mais sa tentative avait été contrariée. L'incendie criminel avait joué un rôle dans cette première évasion. Des siècles plus tard, Marie-Joseph Angélique est devenue un symbole de la résistance et de la liberté des Noirs.

La dramaturge Lorena Gale a écrit "Angélique", basée sur les transcriptions de son tribunal, qui a été mise en scène en 1995 et publiée en 2000. En février 2012, la place publique située en face de l'hôtel de ville de Montréal a été baptisée Place Marie-Josèphe Angélique en son honneur.


Complément de lecture

Référence

Anecdote historique

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